top of page

Elza Soares - A Bossa Negra (1961)

Elza Soares - A Bossa Negra (1961) - Odeon

Si il y avait eu une 101ème chronique dans Musiques Populaires Brésiliennes… C’est sans doute celle d’A Bossa Negra d’Elza Soares. Si la chanteuse adorée du public brésilien sera Elis Regina, dès le milieu des années soixante, on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il serait advenu si Elza Soares avait été celle que tous les songwriters courtisaient, celle à qui les meilleurs offraient des chansons…

Cet album explosif, joyeux et droit au but s’écoute d’une traite, sans temps mort, et d’ailleurs sans ballades, ce qui marque d’ailleurs une différence avec les albums d’Elis Regina. Celle qu’on appelait la « Pimentinha » avait là trouvé plus pimentée qu’elle, ce n’est d’ailleurs pas leur seul point commun, puisque les deux chanteuses ont chacune attaqué la chanson très tôt, et ont connu une vie difficile. A la différence près qu’Elza Soares est toujours là, a survécu à toutes les galères, morts tragiques et innombrables coup du sort qu’il serait presque trop long d’énumérer… Issue d’une famille très pauvre d’une favela de Rio, elle est mariée à 12 ans, maman à 13 et veuve à 21 ! Trois ans seulement avant ce deuxième album au titre trompeur, A Bossa Negra. C’est à vrai dire assez à contre courant de la bossa nova pour 1961 année plutôt faste pour le style. De bossa il n’est donc pas vraiment question, mais de great black music, oui. Entre jazz vocal plein de peps et de fougue et épanchements latins inspirés par la cubaine Célia Cruz, le chant d’Elza est clairement ce qui fait de cet album un indispensable.

Dès le jazz et festif « Tenha Pena de Mim », on pense à Ella Fitzgerald accompagnée par le big band de Duke Ellington. La faute à cette voix encore adolescente, qui se gorge d’inflexions rauques lors des passages en scat… Pas un hasard si Louis Armstrong la prendra sous son aile dans les années 50. Mais Elza Soares a son propre style, volontaire et swinguant, qui a très certainement du inspirer Gal Costa, tant on retrouve dans ses disques ce contraste entre pureté des envolées et accès de fureur jubilatoire. Bien sûr, le répertoire est ici bien plus traditionnel, sans parler de la production et des arrangements, tous deux signés d’Astor Silva, également saxophoniste, ce qui s’entend : cuivres en fanfare et swing à l’ancienne habillent les chansons. Peut etre pas à la pointe des tendances de 61 mais d’une fraicheur incomparable. Comment résister à la malice de ce "Perdão" ou à ce "Beija-me", vieille composée par Roberto Martins et Mario Rossi. L’interprétation toute en pudeur et en bons sentiments du chanteur d’origine, Ciro Monteiro (1943, tout de même !) devient ici explosive et épicée, avant de finir dans un cri de joie qui rappellerai presque la Björk de "It’s Oh So Quiet" (qui à l’époque lorgnait pas mal sur la musique brésilienne, soit dit en passant…).

En fait, beaucoup des chansons interprétées ici étaient à l'origine typiques de l’ère des « chanteurs de radio » de la samba-canção, marquée par des voix de crooners un peu pantouflardes… Elza Soares, 23 ans, dynamite tout ça avec sa patate habituelle. Il n’était pas forcément évident, en 1961, pour une chanteuse noire, de percer dans sous l’étiquette « Bossa », mais cela n’a pas empeché Elza Soares de faire une longue carrière jonchée d’excellents albums… Et ce malgré un mariage assez destructeur avec le footballeur Garrincha, considéré comme le plus grand du pays après Pelé. On conseillera volontiers ses nombreux disques samba-soul des années 70, dont un fabuleux Sangue, suor e raça en 1972, avec Roberto Ribeiro, sur lequel on aura l’occasion de revenir en ces pages.

Pages récentes :
bottom of page